[Blog] Retour sur la journée sur l’adaptation au réchauffement climatique – Cyril Pasteau
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La « journée d’inspiration » de septembre 2023 « Montrouge plus fraîche : adaptons ensemble la ville aux changements climatiques ! »

La tenue de cet événement est une bonne nouvelle si elle débouche sur quelque chose de concret. Sous le mandat du précédent maire, que je n’ai pas pratiqué, la relation aux questions écologiques était me dit-on plus claire et le béton assumé. Le discours de l’équipe municipale en place est davantage en phase avec cette époque de records de chaleur, de plus en plus difficiles à ignorer d’un haussement d’épaules climato-sceptique ou climato-cynique. Je salue la prise de parole initiale de Gwénola Rabier, qui ne reprend pas les « 38°C » mentionnés dans le message d’invitation à cet événement mais les 50°C sur lesquels a travaillé la mission d’information et d’évaluation de Paris, et qu’on peut atteindre d’ici vingt ans. C’est cet horizon qu’il faut anticiper, en gardant à l’esprit que le climat de Montrouge n’est pas isolé du reste, et que l’adaptation doit aller au-delà de la protection des gens contre la chaleur.

Néanmoins les dossiers se sont accumulés et le volontarisme hyper-optimiste de M. le Maire suscite une forme de dissonance cognitive.

Le péché originel est une attaque contre la biodiversité que symbolisent nos arbres : c’est l’abattage de l’alignement de platanes avenue Jean Jaurès. Une zone ombragée a fait place à une perspective washingtonienne un peu beauf, une zone où l’horizon va plus loin, à un parc de maire-bâtisseur que contemplent sûrement avec mélancolie les cadres du siège du Crédit Agricole en réunion visio en attendant leur tour de parler. Oui, hors canicules, pendant lesquelles les dalles du Portugal infernalisent les allées Jean Jaurès, familles et amis y passent de bons moments. Cependant, en 2023, il faut accepter de s’adapter à la présence des parapluies de biodiversité que sont les arbres, de faire avec le vivant et pas contre lui-même, de revisiter les arbitrages en matière d’aménagement urbain. C’est une perte de contrôle désagréable mais qui nous met à l’écoute du vivant et nous grandit. Une forme de continuité : notons le silence de la municipalité sur l’abattage envisagé de plusieurs centaines d’arbres sur le tronçon nord de la RD920 ; projet départemental certes mais les maires sont écoutés.

Sur un autre grand combat écologique, celui de l’atténuation du dérèglement climatique, la municipalité a déçu les attentes en privant la ville de sa participation au réseau de chaleur géothermique du Sipperec (et le maire sous-entend même que son projet alternatif jamais présenté pourrait sortir de terre avant celui de Malakoff ce qui, à moins d’imaginer un sabotage juridique peut-être, semble peu crédible).

Ce conseil de l’adaptation verra-t-il le jour et sera-t-il utile ? L’inquiétude est comparable à celle qu’on ressent en écoutant Emmanuel Macron, connu de nos services pour se faire élire le matin sur des promesses de type « la Terre great again – no pasaran », créer à midi une convention citoyenne pour le climat en jurant d’appliquer ses recommandations et vendre le soir à l’encan la biodiversité aux lobbies écocides. A Montrouge, on est écologiste jusqu’au moment où on réfléchit au grand besoin qu’ont les promoteurs immobiliers de construire quelques bureaux vides de plus – mais, attention, dotés de panneaux photovoltaïques ? Les micro-mesures, les petits pas ne suffisent pas. On ne peut pas se contenter de faire beaucoup, il faut faire assez. Nous avons un devoir, une responsabilité d’agir pour les communs planétaires et pour notre survie future. Certes, la critique est facile et l’art est difficile. Admettons l’argument jusqu’à un certain point seulement (cf. dossiers évoqués ci-dessus) ; je suis convaincu que l’exécutif peut faire davantage.

Si des exécutifs locaux se mettent à reprendre en partie les programmes des écologistes, j’applaudis le progrès. Et puisqu’un atelier évoquait ce qui ressemblait fort à une zone à trafic limité sur l’avenue de la République, signalons cette vision proposée en 2019 : « dire au revoir à la ville-voiture ».

Cependant, craignons de voir appliquer à la résolution d’un problème les mêmes moyens qui sont à l’origine de ce problème. La participation des associations et des entreprises à un événement de ce genre ne fait pas que marquer une prise de conscience et une volonté de renverser la vapeur, cela peut aussi représenter une façon de se placer pour obtenir une part de marché dans le secteur de l’adaptation. L’adaptation, ce sont aussi des « solutions » (comme dans « solutionnisme »), des produits et des services, qu’on veut multiplier[1] même s’ils traitent les symptômes et accentuent le mal, et un secteur privé qui se structure autour d’une chaîne de valeur. Je n’ai pas détecté d’expression d’une foi dans un solutionnisme technologique à tout crin, j’espère que celui-ci ne fait plus recette et qu’on peut faire un pas de côté pour considérer notre relation au monde de la technique. Il n’empêche que je ne serais qu’à moitié surpris de lire bientôt des communiqués vantant les rendements boursiers maousses d’un « secteur de la sobriété »…

Revenons à Montrouge :

  • Conseil de l’adaptation : à quand la constitution de ce groupe de travail qui doit inclure largement la société et les parties prenantes de cette adaptation à mener ?
  • Avenue de la République : je cite la réponse du maire à ma question en conseil municipal le 28 septembre : « Enfin, sur la consultation sur l’avenue de la République, je veux bien que l’on réfléchisse avant de la piétonniser, il n’y a pas de souci ; c’est pour cela qu’on fait une consultation qui permettra à tout le monde d’émettre ses idées. Quand ? Objectivement, quand on l’aura décidé. Merci. » Pouvons-nous avancer sur le calendrier ?

[1] Ô environnement, combien de crimes ont été commis en ton nom ? Lire par exemple les essais Pluralistic: The impoverished imagination of neoliberal climate « solutions » de Cory Doctorow (31 octobre 2023, en anglais), Décolonisons la protection de la nature : plaidoyer pour les peuples autochtones et l’environnement de Fiore Longo (2023, éditions Double Ponctuation), ou encore les critiques de Naomi Klein contre les dérives de certaines associations environnementalistes et la tentation de la géo-ingéniérie.