SDRIF-E : contribution des écologistes de Montrouge à l’enquête publiques
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L’élaboration d’un nouveau schéma directeur d’Ile-de-France est une belle promesse. Ce nouveau schéma de planification stratégique de l’aménagement doit permettre à notre région de faire face aux grands défis de notre temps tels que le dérèglement climatique ou les fractures sociales et territoriales. 

Le projet du SDRIFE soumis à la présente enquête publique est fondé sur le principe d’une région « polycentrique », structurée autour de 139 « polarités », communes ou groupement de communes qui constituent les bassins de vie des franciliens. Les polarités remplissent les trois critères de centralité, emploi et desserte. Le SDRIFE a pour objectif la sobriété, notamment foncière avec la perspective du zéro artificialisation nette en 2050 et la préservation de l’environnement. Ce document a vocation à être transposé dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes de la région. Le SDRIFE va-t-il améliorer les conditions de vie des habitants d’une commune des Hauts-de-Seine comme Montrouge ?

Quelles implications attendre du SDRIFE pour la ville de Montrouge ?

Montrouge fait partie de l’hypercentre parisien, comme d’autres villes limitrophes de Paris. Montrouge a une spécificité : elle constitue une des polarités mises en avant par le SDRIFE pour structurer l’aménagement du territoire francilien. En sa qualité de « polarité », Montrouge pourra construire davantage que des communes voisines. En effet, à l’horizon 2040, une extension de l’urbanisation de l’ordre de 2 % de la superficie de l’espace urbanisé communal est possible pour chaque commune des polarités (OR 92). Une extension de 1 % de l’urbanisation dans un rayon de 2 kilomètre autour des futures gares GPE est également autorisée (OR 91).

Pour ce faire, les communes faisant partie des polarités doivent développer selon le SDRIFE le logement, l’emploi, la densification, les équipements et les transports collectifs (OR 93).

La manière de construire doit néanmoins tenir compte de considérations climatiques et écologiques. Le SDRIFE estime ainsi que la densité des polarités peut justifier que la priorité soit à leur adaptation aux effets du dérèglement climatique. Ainsi, elles participent à la production de logements en privilégiant la transformation des bâtiments existants plutôt que de nouvelles constructions (reconversion, surélévation, etc.). Les développements urbains doivent permettre de réduire la vulnérabilité du territoire particulièrement exposé à l’effet d’îlot de chaleur urbain : désimperméabilisation, végétalisation, renaturation,création d’espaces verts, etc.

Le SDRIFE vise à encourager les communes à développer l’offre de logement abordable dans les zones marquées par les loyers et prix inaccessibles. L’offre locative sociale et intermédiaire, ainsi qu’en logements en accession à prix maîtrisé, et notamment en baux réels solidaires (BRS), essentielle au fonctionnement de la région métropolitaine, doit être développée, ainsi que l’offre d’habitat spécifique (logements pour étudiants, logements adaptés aux personnes âgées et personnes handicapées, hébergement d’urgence, etc.) (OR 59). Cette offre s’inscrit dans un objectif régional annuel qui doit tendre vers la production de 46 000 logements abordables, soit 2/3 de la production annuelle de logements.

Le SDRIFE préconise également de rediriger les logements existants utilisés pour des locations touristiques vers de la location longue durée à destination des habitants de la région.

Parallèlement à l’effort de construction de logements neufs, il convient de préserver et remobiliser le parc résidentiel existant au bénéfice des habitants de la région, notamment en encadrant la croissance du parc exclusivement consacré aux locations touristiques de courte durée dans les zones où l’offre en logement est particulièrement tendue. En ce sens, l’hypercentre et le cœur de d’agglomération font l’objet d’une vigilance accrue (OR 60).

Concernant la protection et la création des espaces verts, le SDRIFE préconise la sanctuarisation de l’armature verte régionale, laquelle est constituée dans l’hypercentre de l’agglomération parisienne, par le réseau des jardins privés, d’espaces verts et espaces de loisirs de proximité assurant une pénétration de la nature en ville. Les nouvelles urbanisations y sont exclues (OR 2).

Le SDRIFE comporte plusieurs cartographies dont la carte « Placer la nature au cœur du développement de la région » qui indique les espaces verts à protéger ou à créer, d’une surface au moins équivalente à un hectare. Les seules espaces dans Montrouge cités par le SDRIFE au titre de la protection de la nature sont les liaisons des rues Max Dormoy et Maurice Arnoux. Les parcs de Montrouge, dont certains ont une taille significative, ne figurent pas dans la cartographie des espaces verts à protéger. Par ailleurs, aucun projet de création d’espace vert dans la ville de Montrouge n’est recensé dans le SDRIFE.

Concernant la production et la distribution d’énergies renouvelables, le SDRIFE précise que l’extension des réseaux de chaleur et de froid existants et la création de nouveaux réseaux sont une priorité en zones urbaines, en lien avec une meilleure mobilisation des gisements d’énergie renouvelable disponibles.

Les documents d’urbanisme réservent l’espace nécessaire pour des plateformes de forage permettant d’exploiter la géothermie profonde ou pour des chaufferies biomasse, et leurs installations accessoires, en tenant compte des réseaux de chaleur existants et à développer. (OR 56)

Par ailleurs, si le développement du photovoltaïque devra se faire en priorité sur les surfaces déjà bâties (OR 54), le SDRIFE ne prévoit pas d’orientation spécifique mettant le développement du photovoltaïque à disposition des particuliers.

Quelle stratégie d’aménagement et d’urbanisation a été menée à Montrouge ?

Avec 48 000 habitants sur une superficie de 2 km carré, Montrouge fait déjà partie des villes les plus denses de France. La densification de l’habitat s’est porté sur la période récente sur les appartements haut de gamme au détriment du logement social dont la part stagne depuis 20 ans : elle s’établissait à 21,93 % en 2008, et 21,27 % en 2019. Cette réticence envers le logement social se retrouve dans la concentration de ce type d’habitat dans les quartiers du sud et de l’est de Montrouge, loin des quartiers considérés comme étant le « cœur » de la ville. 

En outre, les constructions récentes de logement ne profitent pas aux habitants de la ville et deviennent des locations saisonnières disponibles sur les plateformes en ligne. Si Montrouge compte 700 unités supplémentaires entre 2014 et 2019, le nombre de résidence principale s’est réduit de 400 unités. Dans le même temps, le nombre de logement saisonniers ou vacants a augmenté de 1 100 unités selon les chiffres de l’INSEE.

Ce basculement d’une partie des habitats de la commune vers la location touristique n’a pourtant pas conduit à une politique d’encadrement et de régulation de ce type d’activité économique.

Une telle politique de logement entraîne une perte croissante des habitants modestes et des classes moyennes qui ne parviennent plus à se loger dans une ville devenue l’une des plus chères de France.

Mais la densité en nombre d’habitants ne doit pas masquer la surabondance des bureaux. La stratégie de la ville en matière d’aménagement et d’urbanisme s’est focalisée sur le développement de l’immobilier tertiaire et la volonté de consacrer une part croissante du territoire de la commune aux immeubles de bureaux.

Il peut sembler plus avantageux à court terme d’aménager des bureaux plutôt que des logements ou des espaces verts. Les bureaux génèrent des revenus pour les collectivités au titre de la taxe sur les bureaux et d’autres impôts professionnels.

La construction de logements nécessite l’accompagnement des nouvelles populations par des services publics (crèches, écoles, maison de retraite,…) qui constituent des dépenses pour le budget communal.

L’aménagement d’espaces verts, qui sont des espaces publics libres et gratuits ne procure pas de revenu aux communes et nécessitent un entretien régulier par des jardiniers, pris en charge par la ville.

Le choix politique de dédier une partie de la ville à l’immobilier tertiaire se traduit dans le PLU par l’interdiction du changement de destination vers du logement, ainsi qu’en cas de démolition-reconstruction, l’obligation de réserver au moins 75 % du nouveau bâtiment pour les activités de service (bureaux, artisanat,…).

Selon l’avis de la Préfecture des Hauts-de-Seine portant sur la révision du PLU de Montrouge en 2022, les bureaux occupent aujourd’hui environ 3 fois plus d’espace que les logements dans la ville.

La conséquence du développement massif des bureaux est la forte carence en espaces verts de la ville avec 1,6 m² d’espaces verts par habitant alors que la norme fixée par l’Organisation Mondiale de la Santé et reprise par la Région IDF est 10 m². Il est à noter que le manque des espaces verts à Montrouge est plus fort qu’à Paris. La réduction des espaces verts a un impact défavorable sur la pollution de l’air et des sols et les nuisances, notamment sonores, subies par les habitants.

Montrouge s’est également urbanisé au détriment des maisons de ville et leurs jardins privatifs, qui constituent des refuges pour la biodiversité et font partie du paysage et du patrimoine de la ville. Il ne restait plus que 860 maisons de ville à Montrouge en 2019, alors que l’INSEE recensait 1 054 maisons en 2009. Au lieu de protéger ces quartiers pavillonnaires remarquables, la récente révision du PLU les soumet à densification en introduisant la possibilité d’étendre les constructions en fond de parcelle dans les zones pavillonnaires.

S’agissant des énergies renouvelables, Montrouge s’est désengagé d’un projet structurant de réseau de chaleur couplé à une source d’énergie renouvelable. Un puits de géothermie profonde allait remplacer pour une partie des logements et bâtiments publics de la ville le chauffage au gaz ou au fioul dans le cadre d’un projet en partenariat avec le syndicat intercommunal compétent dans ce domaine et la ville voisine de Malakoff. Il s’agissait d’une mesure structurante et significative en faveur des ménages confrontés à l’inflation de l’énergie et contre la pollution de l’air et le réchauffement climatique.

Ce projet a été refusé par la ville de Montrouge pour des raisons liées à la « gouvernance » il y a plus de deux ans. Le soi-disant projet alternatif de géothermie « 100 % Montrouge » justifiant le refus de s’associer au projet avec le SIPPEREC et Malakoff n’a pas été présenté au conseil municipal à ce jour.

Position sur le SDRIFE

Le SDRIFE traite bien des thématiques qui concernent la ville de Montrouge : logements, bureaux, espaces verts, énergies renouvelables, … 

Néanmoins, il manque un cap clair pour les collectivités locales avec la possibilité trop importante laissée aux communes ayant été désignées polarité d’arbitrer entre les différentes préconisations du SDRIFE, dont certaines ne vont pas dans le même sens, et le caractère le plus souvent non contraignant des normes favorisant la mixité sociale et la protection de l’environnement.

Ainsi, en qualité de polarité, Montrouge sera inclus à l’avenir dans les objectifs de densification du SDRIFE alors qu’elle est déjà fortement dense. La ville pourra poursuivre le développement de zones mono fonctionnelles de bureaux, et négliger les « conseils » du SDRIFE de « privilégier » la conversion des bureaux en logement. 

Son rejet du logement social et de l’accession sociale à la propriété ne sera pas contrarié par les vœux pieux du SDRIFE dans ce domaine.

Les espaces verts de la ville ne bénéficient d’aucune protection de la part du SDRIFE et d’aucun projet d’ampleur de création.

La création de réseau de chaleur couplée à des énergies renouvelables restera soumise à la bonne volonté des édiles.Pour que les « polarités » soient des bassins de vie véritables, ils doivent être pourvus de logements abordables et d’espaces verts, alimentés en énergie renouvelable et riches de leur patrimoine.

C’est pourquoi nous demandons que le SDRIFE modifie les orientations réglementaires destinées aux polarités, parmi lesquelles figure Montrouge, dans le sens des propositions suivantes :

  • un objectif de création et de protection des espaces verts soit fixé aux communes des polarités au même titre que l’emploi ou le logement, en particulier lorsque les communes sont fortement carencées en espaces verts
  • les futurs programmes de logement des polarités situées dans l’hyper-centre parisien soient composés au minimum de 2/3 de logements abordables (bail réel solidaire, logement social locatif, logement étudiant, hébergements d’urgence), avec des indicateurs accessibles au public
  • les règles d’encadrement et de limitation des locations touristiques s’appliquent dans l’ensemble de l’hypercentre parisien
  • l’emplacement des futurs logements s’effectuent en priorité dans les zone mono-fonctionnelle de bureaux, notamment pour bénéficier de la chute des prix et de l’occupation des bureaux due au développement du télétravail et du flex office. 
  • les programmes de logement à venir tiennent compte de la densité des quartiers, car certains ont déjà atteint une situation de saturation. Pour les quartiers saturés, la création d’espaces verts doit être prioritaire.
  • un régime de protection renforcée pour les zones pavillonnaires remarquables afin de conserver les maisons de ville qui font partie du patrimoine de la ville
  • les réseaux de chaleur couplés à des sources d’énergie renouvelable soient considérés comme des équipements essentiels aux zones d’urbanisation dense et mis en œuvre dans une logique globale de couverture des besoins. 
  • un accompagnement des particuliers dans le développement du photovoltaïque dont le potentiel de production n’est pas suffisamment valorisé, en veillant à la clarté et à la bonne accessibilité des normes.